LE PROCES D'ANDRE GRENARD MATSOUA POUR SON COMBAT DE
RESTAURATION DE LA DIGNITE AFRICAINE
Après la défense de Kimpa Vita « la Jeanne
d'Arc Congolaise », de l'Abbé Fulbert Youlou premier président de la
République du Congo-Brazzaville et de Simon Kimbangu prophète et martyr
congolais,
Maître Rudy Mbemba-Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu, Avocat à la
Cour plaide aujourd'hui avec force pour André Grenard Matsoua devant le
Tribunal de l'Histoire et de la Conscience populaire et universelle et ce, dans
sa toute récente et dernière publication.
Dans
son remarquable et édifiant ouvrage de 186 pages intitulé « Le
procès d'André Grenard Matsoua pour son combat de restauration de la dignité
africaine », publié aux éditions les Impliqués-L'Harmattan en
novembre 2019, l'auteur, Maître Rudy Mbemba revisite l'histoire de la
colonisation française en pointant du doigt les injustices subies par le peuple
Congolais et, au-delà par l'Afrique francophone.
De
l'examen du deuxième jugement en date du 8 février 1941, ayant condamné André
Grenard Matsoua, à la peine d'emprisonnement à perpétuité par le Tribunal du
second degré du département du Pool, il apparaît très clairement qu'il est
victime, d'un régime colonial dictatorial comportant en son sein, un système
judiciaire injuste non respectueux des droits de la défense.
Ce qui
est étonnant et qui ne relève guère du droit au sens strict du terme, c'est, le
fait de voir avant qu'il n'ait été présenté et jugé devant le Tribunal du
second degré du département du Pool, André Grenard Matsoua est soumis, en
quelque sorte, à la vindicte populaire. En effet, il est présenté, ici et là,
dans certaines localités du département du Pool, à l'effet de l'humilier, de le
mépriser, de vouloir coûte que coûte faire croire à l'opinion publique qu'il ne
serait qu'un escro, un voleur ou tout simplement un délinquant. [ « Le
procès d'André Grenard Matsoua pour la restauration de la dignité
africaine » P.111.
Mais en
dépit des manœuvres du colonisateur français tendant à discréditer l'action
d'André Grenard Matsoua, en souhaitant vivement qu'il soit livré au bûcher avec
l'approbation populaire, l'homme jouira d'une grande et profonde considération
auprès des chefs traditionnels et de leurs populations.
André
Grenard Matsoua, « l'apôtre du développement intégral du
Congo-Brazzaville » est grandement perçu par les siens, le peuple
Congolais, comme l'homme de la situation, le symbole même de l'émancipation de
l'homme noir ou des Africains. Il est, cette étoile d'espérance qui s'oriente
avec beaucoup de ténacité vers la porte de sortie du mépris colonial pour
accéder au stade de la liberté, celui du respect de l'être dans tous les
aspects de son existence. [ P.113.]
D'un
point de vue judiciaire, l'examen du jugement d'André Grenard Matsoua, à
l'instar de ceux de Kimpa Vita et Simon Kimbangu fait ressortir un simulacre de
procès avec lequel, les règles de droit les plus élémentaires qui soient comme
ceux de la défense sont manifestement violées. C'est ainsi qu'aucun d'eux ne
bénéficie du ministère de l'avocat qui est une des garanties fondamentales de
l'administration d'une bonne justice. [ P.123.]
De
plus, les faits, objet de poursuites, à l'encontre d'André Grenard Matsoua
souffrent d'une grande ambiguïté judiciaire. Pour preuve, Matsoua est poursuivi
pour des faits d'escroquerie plus exactement pour des faits de détournement de
fonds. Aucune preuve n'est rapportée à ce sujet sauf à faire état d'une somme
d'un montant de 110 000 francs Cfa qui aurait été recueillie par ses délégués
de son association l'Amicale, les nommés Pierre N'ganga et Constant Balou se
trouvant à Brazzaville auprès des
membres de celui-ci, alors même que lui-même Matsoua se trouve à Paris
et qu'il n'est nullement et personnellement au cœur de la gestion de ces fonds.
[P.52.]
Ici,
force est de remarquer que, l'infraction d'escroquerie ou de détournement des
fonds reprochée à André Grenard Matsoua ne figure guère sur le code de
l'indigénat extrait des archives coloniales du Congo-Brazzaville. [ P.131.]
C'est
une des caractéristique du code de l'indigénat qui comporte des infractions
spéciales que l'on crée de façon arbitraire et destinées le plus souvent à
favoriser le pillage des biens ou richesses des colonisés. [P.68.]
En
d'autres termes, les lois contenues dans le code de l'indigénat ne sont guère
débattues et votées par une assemblée du peuple. Elles sont le fruit de
l'imagination des administrateurs coloniaux enclins pour certains d'entre eux,
à la vengeance et à l'arbitraire. Le pire dans ce système judiciaire colonial
français est de constater qu'un administrateur, raciste et imbu de sa
supériorité raciale, punit parfois par pur caprice. [P.68.]
C'est
ainsi que, l'étude analytique du procès d'André Grenard Matsoua, de par ses
lacunes d'ordre judiciaire, démontre la haine et la volonté du colonisateur, en
l'occurrence de l'administrateur des colonies, chef du département du Pool
Pierre De Buttafoco d'étouffer la voix de la raison, celle qui aspire, à la
liberté et au respect des droits de l'homme. Matsoua en est le porte parole incontesté fort soucieux du
bien-être de ses concitoyens. Pour cela, il se bat corps et âme, à l'effet
d'entendre raison au colonisateur en ce que tous les hommes naissent libres et
égaux en droit et que par conséquent, ils méritent respect et considération.
En
somme, comme le relève à juste titre Gilbert Doho rapporté par l'auteur,
« André Grenard Matsoua fait partie de ces Africains qui, au sortir de
la Première Guerre mondiale, ont aidé à vaincre l'oppresseur de leur oppresseur
et qui ont goûté, hors des colonies, l'odeur de la liberté, de l'égalité et de
la fraternité, ces Africains-français vont corner les injustices dont ils sont
l'objet. L'exemplarité du cas d'André est, à mes yeux source d'inspiration. Il
est l'un des rares Africains à avoir organisé les indigènes de la métropole et
des colonies, à avoir protesté par écrit contre le monstrueux instrument
d'animalisation des indigènes, et à avoir payé le prix de son audace. Les
recherches tardent à valider un homme qui, pendant que la Deuxième Guerre
mondiale, rage contre la France, est outré de constater que les Africains sont,
de nouveau, appelés à sauver leur oppresseur. L'ancien combattant Matsoua mène
une guerre intellectuelle contre la France au sein de l'Amicale qu'il crée en
France. Condamné une première fois en 1930 à trois ans de prison et à dix ans
d'interdiction de séjour au Moyen-Congo, déporté au Tchad il sera de nouveau
condamné en février 1941 à perpétuité...» [P.109.]
Ceci
dit, c'est à bon droit que Maître Rudy Mbemba-Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu considère,
et il s'agit là d'un sentiment que je partage, que :
« Si pour certains auteurs, André Grenard
Matsoua est l'autre Simon Kimbangu, pour d'autres, il est, à l'avant-garde,
comme le sont aussi d'autres fils d'Afrique noire, dans l'Afrique des temps
modernes, du combat mené par des illustres personnages comme Nelson Mandela,
contre la ségrégation raciale, les discriminations instituées par le
colonisateur ou l'envahisseur entre Noirs et Blancs. » [P.125.]
C'est
une étude judiciaire fort intéressante que je recommande volontiers à tout
lecteur désireux de vouloir connaître l'application du droit par le
colonisateur français sur le sol africain et sur la base du code de l'indigénat
qui, en tout état de cause est une application tyrannique voire raciste et non
respectueuse des droits des colonisés.
Eliezere BAHADILA ( Ndona Elior)
Licenciée en psychologie