SIMON-PIERRE
M’PADI ET LA RESTAURATION DE L’IDENTITE AFRICAINE EN MATIERE RELIGIEUSE ET
SPIRITUELLE
Simon-Pierre
M’PADI est né au Congo-belge vers 1906 et il a, à peine, quinze ans au moment
de l’arrestation du prophète Simon Kimbangu en 1921. Il va apparaître comme le
deuxième prophète de l’Eglise noire congolaise. Et ce, durant une période où le
mouvement créé par Simon Kimbangu connaît une période difficile en raison d’une
persécution trop brutale voire redoutable de ses membres par le colon belge qui
entend faire disparaître les traces de kimbaguisme.
Mais cette
détermination du colon belge consistant à vouloir disparaître le kimbanguisme
subira une dure épreuve avec l’apparition en 1939 d’un nouveau prophète appelé
Simon-Pierre M’PADI. Il déclare être le successeur de Simon Kimbangu se donnant
pour mission le réveil des consciences et de la reconstitution de l’unité
passionnelle des débuts de l’Eglise kimbanguiste.
C’est dans ces
conditions que Simon-Pierre M’PADI va se rapprocher des anciens disciples de
Kimbangu réussissant à obtenir leur soutien actif.
A son propos,
Martial Sinda rapporte que: “ en quelques
jours, le mouvement messianique se reveille ; ses dirigeants, stimulés par
Simon-Pierre M’PADI, redoublent d’efforts ; le succès vient aussitôt, rapide,
total. Les autorités belges, qui pensaient avoir maté le mouvement n’gounziste,
s’étonnent d’un tel résultat et de la rapidité avec laquelle la campagne a été
menée.” [ Martial SINDA in “ Le messianisme Congolais et ses incidences
politiques” Payot 1972 P.115.]
Cependant, tout
en étant fidèle aux principes révolutionnaires définis par Kimbangu,
Simon-Pierre M’PADI prêche avec virulence la séparation complète et définitive
de l’Eglise noire et des Eglises missionnaires européennes. A l’effet de répondre
aux aspirations des anciens et de son aîné le prophète Simon Kimbangu qui
consiste à libérer les Noirs de la liberation étrangère en démontrant qu’ils ne
sont pas inférieurs voués à la servitude économique et culturelle Simon-Pierre
M’PADI va élaborer un programme sévère de l’Eglise noire.
Le désir de
Simon-Pierre M’PADI est, rapporte Martial SINDA, de personnaliser le plus
possible l’Eglise noire, de lui donner un statut suffisamment rigide pour
éviter qu’on revienne à l’organisation multicellulaire du temps de la
clandestinité. Cela l’amène, observe-t-il, à imposer aux fidèles la tenue kaki
; autre avantage de cette decision ; les fidèles pourront se reconnaître entre
eux et s’entr’aider. Le port de cet uniforme devient un honneur ; il donne
conscience au fidèle qui le revêt, d’appartenir à une communauté fraternelle,
d’être le combatant d’une cause sacrée. [ Martial SINDA
in “ Le messinaisme Congolais et ses incidences politiques” Op.cit P.117.]
Simon-Pierre
M’PADI doit son succès, entre autres, aux miracles qu’il opère à l’occasion de
ses prêches, circulant de villages en villages sur l’espace Koôngo des deux
rives à savoir: le Congo-Kinshasa et le Congo-Brazzaville voire le
Congo-Luanda, c’est-à-dire l’Angola. Ancien lieutenant de l’Armée du Salut, il
va prendre ses distances vis-à-vis de cette Eglise missionnaire européenne sans
la dévaloriser pour s’inscrire dans un élan d’émancipation et de liberation
totale de l’homme noir.
Ainsi, pour
Georges BALANDIER “…l’Armée du Salut,
dont Mpadi a étudié minutieusement l’organisation, fournit le modèle d’une
église à caractère militaire ; modèle qui
“séduit”, parce qu’il met en place une hiérarchie stricte et très
apparente, parce qu’il renforce la tendance de l’Eglise congolaise à accaparer
les fonctions sociales de base – religieuses, politiques et, dans ce cas, d’une
manière très embryonnaire, militaire et de police…” [ BALANDIER (G) in
“Sociologie actuelle de l’Afrique noire” PUF 1955 P.450.]
Simon MPADI et
ses disciples vont élaborer une doctrine qui s’apparente à une sorte de
déchristianisation aux termes desquels l’on note, entre autres que :
“ Les images que l’on vous montre et que vous
croyez être des photographies sont des creations du Blanc. Pas plus au temps de
Jésus-Christ qu’à celui d’Adam, la photographie n’existait. Les croix que l’on
a répandues partout au Congo sont des artifices de Satan. La vraie croix était
en judée et Jésus en a été retire, ne vous agenouillez jamais devant une croix.
Les Juifs, ceux de l’Eglise de Moïse, n’ont pas d’images et de croix dans leurs
églises. Nous n’en voulons pas non plus. Dieu nous a d’ailleurs séparés de
Jésus-Christ, nous a donné un sauveur noir que les Blancs ont abattu (ou voulu
abattre) à coups de fusils” [ BALANDIER Op.cit P.451]
L’expansion du m’padisme
ou du kakisme inquiéta très sérieusement les autorités belges qui décidèrent de
l’emprisonner. Il réussit par s’échapper une première fois en gagnant le Congo
portugais, puis le Congo français, où il reprit son oeuvre apostolique auprès
de ses frères Bakoôngo. Mais après de longues années d’apostolat, M’PADI sera
arrêté une nouvelle fois, au cours d’une réunion des fidèles. Inculpé
d’escroquerie par les autorités françaises, il sera condamné le 3 août 1949, à
Brusseaux-Mindouli, et, le 17 mai 1950, remis aux autorités belges.
Cependant,
prisonnier, Simon-Pierre devint pour les Bakongo le martyr-successeur. Son
Eglise réussit à affirmer une pensée originale, proprement africaine : à la
fois politique et religieuse, elle se définit comme toute pensée messianique
congolaise par son nationalisme et son anticolonialisme. [ Martial SINDA in “
Le messinaisme Congolais et ses incidences politiques” Op.cit P.121.]
TAATA NDUENGA
Je dédie ce
texte à ma défunte mère “Maama BENAZO Maama Wa Koôngo” qui
m’a fait connaître ce personnage durant mon enfance et pour lequel, elle avait
un profond respect.
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