Le travail n'est pas seulement une activité exercée à but lucratif. Il permet à l'être de se mouvoir, de s'épanouir. En agissant, l'Homme se retrouve pleinement dans son élément de co-créateur et peu importe la nature ou l'importance de ce qu'il exerce, de ce qu'il accompli. Priver un être humain de se réaliser par le travail serait tuer en lui son génie, sa capacité de produire pour le bien-être commun. De ce fait, un membre de la communauté qui ne pourrait contribuer ni par sa créativité ni par sa participation à la production d'un bien ou d'un service ne saurait honorer la société qui l'abrite. Nous savons cependant que tous ceux qui désirent contribuer à l’essor de leur communauté n'ont pas toujours le bon sort pour qu'ils s'en sortent. C'est là que devrait intervenir la communauté ou la collectivité locale et par extension d'autres communautés (par solidarité), afin que chaque individu s'épanouisse de par son travail, car" il n'y a pas de travail insignifiant" disait Martin Luther-King qui poursuivait son discours à l'endroit des jeunes:"Tout travail qui aide l'humanité a de la dignité et de l'importance" (cf. Sois le meilleur quoi que tu sois: la force d'aimer).
Le travail est le moyen de libération par excellence. Il assure l'indépendance (une certaine autonomie pour faire face à ses besoins, mais aussi pour participer à résoudre les questions financières qui peuvent se poser dans la famille, etc.). Le travail procure la dignité et de la notoriété au sein de la société, il donne de l'avoir et du pouvoir pour se faire valoir. Il vous distingue de ceux qui n'en ont pas et qui ne peuvent en vivre. Plusieurs expressions koongo le mettent en évidence, comme: "Mpuku bola , simbila ku mutsila ou ntsombé ya tsubuka"...
Dans la société traditionnelle, chacun pouvait valoriser ses acquis, grâce à un apprentissage quasi naturel, puisque dans la formation humaine du "mbongi pele ko ku hata" était intégré les rites d'acquisition d'un métier ou l'exercice à la création d'objets de toutes sortes. Ces objets étaient toujours valorés, car "mwana fioti ka lambila mu kimenga, lumbu lamba ka lamba" (Un enfant qui prenait plaisir à imiter le travail des adultes finirait par devenir un bon praticien !). A ce sujet, le vénérable Cardinal Emile Biayenda écrivait ceci dans sa thèse: "Il n' y a aucun doute, le travail n'est pas étranger, ni une chose nouvelle dans la société africaine. Mais comment se faisait l'apprentissage ? C'est dès son jeune âge que l'enfant commence à s'initier aux travaux agricoles, aux diverses techniques en usage chez les hommes de la tribu: Tressage des nattes, construction des cases, tissage, pêche et chasse, etc... le garçon s'instruit auprès des adultes et des vieux, tandis que la mère prend en main la formation pratique de ses filles. Ainsi les jeunes exercés à l'endurance, au courage et au dévouement faisaient leur entrée dans le cercle de ceux qui connaissaient" (adultes), sans aucun complexe (cf. Emile Biayenda in coutumes et développement chez les Bakongo du Congo-Brazzaville "Thèse facultés Catholiques Lyon 1968, deuxième partie, page 4), cité par Rudy Mbemba-Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu, dans son ouvrage intitulé "Le Cardinal Emile Biayenda et les douzes clefs de la conscience socioculturelle des (ba)koôgo, p.21, éd. ICES 2017.
En dépit de la multiplication et de la conversion de tout ce qui fut autrefois passerelles des liens sociaux en produit commerciaux, le marché du travail demeure toujours défaillant et ne parvient pas à éradiquer le chômage des jeunes plus particulièrement.
L'infection du travail par la corruption
Ceux qui voulaient se créer leurs petits boulots sont racketté ou alors ils passent à la moulinette de la corruption, à travers toutes ces tracasseries administratives qui les découragent avant qu'ils n'entreprennent quoi que ce soit. Finalement, il paraît mieux de ne rien oser faire et attendre passivement que l'argent entre dans la poche ! Le travail devient l'ennemi des farnientés ou de tous ceux qui spolient les autres. Certains se sont forgé des facéties pour s'enrichir à la bonne franquette et voilà la Bonne Nouvelle !
L'avilissement de l'Homme est à son comble, lorsque celui-ci vit désormais dans l'assistanat permanent. Ce sont, hélas ! Ceux qui ploient sous le fardeau de l'immigration, depuis leur exile qui deviennent (les mpuda =PMU= chevaux de course) les pourvoyeurs providentiels de ceux qui sont "mutilés"par leurs gouvernements qui n'ont pas de politique efficiente d'emplois.
Le travail et son fruit furent sacrés dans la tradition Koongo, comme l'illustre ces proverbes: " Wa ba mumpala, zaba salu: bu nuna, ni kio diila (le métier appris dans ta jeunesse te nourrira dans ta vieillesse) - kisadi ni ki die (ne doit manger que celui qui travaille), l'ouvrier a droit a son salaire. Kimvuama ka ba handa kio ko, mu sala ba sala kio (c'est le travail qui donne accès aux richesses et non l'initiation rituelle) - Bia sala mooko mu teo lulendo, bia laba bunsana bi hana (la fierté récompense le travail ; le voleur ne trouvera que chagrin et souffrance) - Ku dia bukundi, ku sala masembo (plein de gentillesse à table et de récrimination au travail)" cf. Emile Biayenda, Thèse annexes p.71). Par cette citation, l'éminent koongologue Rudy Mbemba-Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu nous éclaire de nouveau à travers son remarquable ouvrage dédié au 40e anniversaire de la mort du Cardinal Biayenda, p.125, déjà cité ci-dessus: " Le travail fait l'honneur de l'Homme: il lui permet de prendre sa place dans la communauté et de contribuer à l'accroissement du patrimoine familial... le travail n'avait pour but ni le rendement, ni le profit, moins encore la rémunération: il était d'abord et avant tout le moyen qui assurait la subsistance du groupe classique en vue de la continuité de la lignée et de la satisfaction de la vitalité corporelle et morale".
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