jeudi 28 septembre 2017

"Le sens de l'autorité chez les Bantous: le cas des Koôngo"

Nous sommes heureux de partager à nos lecteurs, l'exclusivité de l'annexe 12 de l'ouvrage exceptionnel de l'avocat , docteur Rudy Mbémba-Dya -Bô-Benazo Mbanzulu, intitulé: "Le cardinal Emile Biayenda et les douze clefs de la conscience socioculturelle des (ba) Koôngo", éd. ICES mars 2017. Merci à l'auteur, pour son autorisation tacite. Voici le contenu de cette annexe:
  "Le chef est celui, écrit le père Van Wing, qui fait prospérer le village: "Yu utomisa gata". C'est en tenant la main à l'observation des coutumes, des lois des anciens et de la discipline héréditaire, qu'il remplit ce rôle.
   Le chef est d'après, l'expression qu'emploie le père missionnaire, "Nzonzi kwandi", c'est-à -dire, un arbitre, un juge de palabres. C'est à lui que sont déférés en temps normal, toutes les palabres entre hommes libres des différents hameaux, et même des palabres de quelque conséquence entre membres d'une même lignée.
  C'est à ce titre, selon le père Van Wing, qu'il est parfaitement à sa place de chef et de gardien de la moralité publique. Celle-ci, étant contenue dans les "Nkiku mia nsi, les coutumes du pays, et les Nsiku mia ba Mbuta, les lois transmises par les ancêtres. (Van Wing in "Etudes Bakongo sociologie-Religion et Magie" Deuxième édition Déclée De Brouwer 1959, p.136). Quant au vénéré Cardinal Emile Biayenda: "Un chef ainsi couronné jouit d'une très haute autorité morale, politique et sociale, il inspire crainte et confiance aux yeux des membres du clan et des alliés" (Emile Biayenda in "Coutumes et Développement chez les Bakongo du Congo-Brazzaville Thèse doctorat facultés Catholiques Lyon première partie P.37).
   Si le chef a des droits, ceux-ci, observe à juste titre la vénéré Cardinal, s'accompagnent toujours des devoirs et c'est ce que connaît aussi le chef de clan, de famille ou de village moukongo. Là-dessus, le droit coutumier est clairement précis: "Il a charge d'administrer les biens de la famille. Il doit veiller sur la bonne santé physique et morale de son groupement dont il est le promoteur. Il accueille les orphelins. Il donne un coup de main aux parents incapables de trouver la dot pour leur mariage. En cas de famine, il répartit les biens entre tous les siens. Il veille à ce que les filles et les garçons s'initient chacun à leurs tâches respectives: travaux de ménage et des plantations: art de pêcher, de chasser ou d'abattre les arbres des plantations que les femmes cultivent ensuite. Il est le premier tenu à la loi de l'hospitalité. C'est le responsable de la Paix à l'intérieur et à l'extérieur de sa communauté. (Emile Biayenda in Coutume et Développement chez les Bakongo du Congo-Brazzaville Thèse doctorat Facultés Catholiques Lyon Première partie P.38).
   Ainsi, le chef ou le Mfumu Mpu apparaît, comme le relève Georges Balandier, comme l'élément central de l'ancienne organisation Ba-Kongo: il est au carrefour des forces propices au groupement comme des antagonismes virtuels menaçant la cohésion de celui-ci; il est le symbole de la pérennité du clan; il maintient la fécondité et veille à conserver la force des lignages en empêchant les fissions. Il symbolise l'unité du clan et contrôle le système des interactions existant entre le clan des ancêtres, le clan des vivants et la terre clanique (G. Balandier in "sociologie actuelle de l'Afrique, les changements sociaux chez les Bakongo" Presses universitaires de France 1971 P. 327)
   Adire vrai, toutes ces prérogatives tant politiques, sociales que culturelles rentrent, dans ce qu'on appelle le principe de Ki-aangula, lequel diffère de celui de Ki-ngangula,  c'est , peut-on dire, l'expression même d'une bonne gouvernance.
  Par principe ou par définition, le Ki-aangula est l'ensemble des principes qui régissent l'autorité d'un chef. Ce terme dérive du mot Aangu qui, en langue koôngo désigne un bâton, une baguette et qui, à ce titre et, à l'instar du MPU ou chapeau, est l'un des symboles du pouvoir ou de l'autorité chez les Koôngo.
   En réalité, le mot Aangu désigne, à la fois, et ce, philosophiquement et théologiquement parlant, l'origine de toute autorité que les Koôngo situent dans l'univers de Ngu, (extension Nga), c'est-à-dire celui de la puissance du verbe dont on a, ni limite exacte ni connaissance absolue, car il est chose de Dieu lui-même Nzaambi Mpungu, l'unique détenteur de l'autorité suprême. (Rudy Mbemba in "le muntuisme, l'humanisme intégral africain" Société des Écrivains 2006 P. 133).
   Le particularisme de cette autorité, comme l'observe à juste titre le vénéré Cardinal Emile Biayenda, c'est d'être intelligiblement vraie, d'où la raison même du vocable de Ngula dans le ki-aangula ou le Ki-ngangula, qui n'est autre que la traduction du principe de vérité.
  Ainsi, l'autorité d'un chef ou d'un Mfumu n'gata ne revêt toute sa signification que, si d'une part, elle est reconnue, de par son expression, comme étant d'utilité publique, par son sens de prospérité, de salubrité, de tranquillité et de Paix et d'autre part, par l'équilibre et l'épanouissement du tissu social qu'elle apporte.
   D'où la sagesse Koôngo clairement formulé dans le dicton, d'après lequel "Ntu buzitu, Mpu buzitu", ce qui veut dire que, le respect et le rayonnement de la couronne dépendent intimement de la personnalité et de la sagesse de l’être qui en est investi. Mais l'exercice d'une autorité qui, au final est de portée ou d'intérêt général exige, d'après la tradition Koôngo, la préparation du futur candidat.
   Ceci dit, le choix est, rapporte le Cardinal Emile Biayenda, fait sur un membre du clan qui a des aptitudes et la poigne d'un futur chef, plein d'équité, impartial, ayant le sens de la justice, ferme dans ses décisions, apprécié et jugé comme tel par le clan,les alliés et tous les voisins. Cette condition est d'autant plus nécessaire qu'il est tout d'abord, ajoute le cardinal, le symbole vivant du clan et de son unité. Il est celui qui veille sur l'observance des lois du clan.
   C'est dire que, c'est le rôle du chef de faire observer les lois des ancêtres et de faire aussi prospérer le village. Il est celui qui est dépositaire des insignes et biens familiaux et claniques laissés par les ancêtres: souvenirs, insignes, fétiches, etc... c'est l’intercesseur et le  défenseur selon le cas du clan devant les vivants et les défunts. Il veille sur l'intégrité de la propriété clanique.
   En somme, toute dictature est vaine, parce qu'elle est contraire, à la raison du pouvoir, c'est-à-dire, à la raison d'une saine autorité qui, par essence est justement forte, constructive et humaine. En d'autres termes, elle est une émanation de Ngula, c'est-à-dire de la science du vrai et de l'équilibre social et humain. Aussi toute dictature, quelle qu'elle soit et d'où qu'elle vienne, est en réalité faiblesse, obscurantisme et donc absence de raison véritable d'un pouvoir qui est aux abois et qui, de toutes les manières est appelé à mourir."
  Merci à Maître Rudy Mbemba-Dya-Bô-Benazo Mbanzulu, pour cette magnifique contribution, afin de donner des repères à tous ces postulants à la gestion des affaires publiques, n'ayant ni l'âme ni l'amour du prochain, pour gouverner. "Hata Bantu" Wa zolakana kua bantu wa vuama  ! 
  Nous recommandons l'ouvrage dont est tiré cette annexe 12, intitulé: Le Cardinal Emile Biayenda et les douze clefs de la conscience socioculturelle des (ba) Koôngo, publié à l'occasion du 40e anniversaire de l'assassinat du Cardinal Emile Biayenda, aux éditions ICES. Vous pouvez vous le procurer en adressant votre demande à: nzenga.kongo@gmail.com
  THAUKO.COM à votre service !

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