vendredi 29 septembre 2017

Les Koongo et le pouvoir.


Avoir le pouvoir, c'est être en capacité de gérer les prérogatives afférentes au rang qui vous est dévolu, par ses mandataires. Ceux de notre génération, nés sous le régime de Massamba-Débat et n'ayant connu la prise de pouvoir que par des coups d'état et les guerres successives de monsieur Sassou pour la conservation de celui-ci; le terme pouvoir ne nous offrirait qu'une caricature de sa notion galvaudée. Heureusement que les anciens nous ont transmis une autre vision du pouvoir, tel qu'il fut vécu et géré aux sources de notre civilisation:"Les Rois des Bakongo étaient élus par des grands chefs... les électeurs étaient les grands chefs (les chefs des provinces). Mais à mesure que ceux-ci se rendaient indépendants du pouvoir central, ce sont les chefs des clans ou des villages voisins de San Salvador qui se chargeaient de l'élection ou de la reconnaissance du candidat". Ces paroles extraites de l'ouvrage 'Etudes Bakongo magie et religion, page 39, édité en 1959, du père Van Wing sont citées dans la dernière publication de Rudy Mbemba -Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu, éd. ICES 2017. L'auteur poursuit ses propos aux pages 144-145, écrivant:"Au début du XIXe siècle, le roi Garcia V (1803-1830), roi du Koôngo déclare solennellement dans courrier du 26 novembre 1813, adressé au roi du Portugal, le trône royal "est électif par tous les conseillers royaux et tout le peuple koôngo. Ce sont eux qui ont coutume de choisir le prince qui ensuite peut régner sur le trône du Koôngo..." (Randles in l'ancien royaume du kongo des origines à la fin du XIV, Paris 19, p. 155). "Cf. Rudy Mbemba-Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu in Le Cardinal Emile Biayenda et les douze clefs de la conscience socioculturelle des (ba)Koôngo, éd. ICES 2017."
   Ces témoignages rendus autour de la notion du pouvoir, de la chefferie et de son exercice illustrent à suffisance que les Koongo n'ont pas attendu ni le sommet de la Baule de juin 1990 ni de la chute du mur de Berlin en 1991 ni la glasnost ou la perestroïka de Gorbatchev pour appliquer la gouvernance démocratique. Par "les Koongo", nous faisons allusion à ce grand peuple dans sa complexité ethnique diverse, un peuple pluriel répandu depuis l'Angola (Mbanza Koongo), jusqu'au Cameroun, en passant par le Congo-Brazzaville (actuel), le Congo RDC, le Gabon. La culture dite démocratique n'est point une nouveauté pour lui qui su instituer le Mpfumu Mpu (le chef couronné), les rois, les chefs des clans, les chefs des villages (Mpfumu hata),les chefs des quartiers (Mpfumu kibelo), les chefs de familles (Mpfumu kaanda).La décentralisation du pouvoir y existe déjà ! Chez les Koongo, toutes ces attributions faisaient l'objet de concertations préalables et des rites particuliers. On ne se faisait pas chef par désir personnel, mais plutôt par désignation des anciens qui prenaient le temps de discerner les aptitudes requises à une telle ou telle fonction :"Dans l'idiome de l'ancien Koôngo, le roi est le M'fumu n'gata, c'est-à-dire celui  qui rassemble ou par son intelligence, apporte la tranquillité et la paix. Ici, le n'gâta est fort évocateur dans la mesure où le mot exprime la forme du verbe intelligible qui finit par être social (le n'gâ indiquant le lieu, l'endroit et le ta indique le verbe qui, en l'espèce prend la forme sociale). Avec le n'gâta la parole ou le verbe intelligible prend corps pour revêtir une forme sociale qui n'est autre que celle d'un village ou d'une nation. C'est dans le même ordre d'idées que, le M'fumu n'gâta est assimilé au Nto (rivière)- tela ( du verbe ta ) et qui signifie parler, manifester ou exprimer), cette rivière des eaux parlantes. Il s'agit là, d'une analogie qui tend à montrer que le roi Mutinu ne peut véritablement l'être que par son intelligence et sa sagesse qu'il met au service de son royaume. C'est ainsi que, les Koôngo proclament haut et fort que: Ntu buzitu, Mpu buzitu, ce qui veut dire que le respect et le rayonnement de la couronne dépendent intimement de la personnalité et de la sagesse de l'être qui en est investi. Le M'fumu n'gâta est le pacificateur, l'unificateur, le justicier, celui qui, par son verbe intelligible contribue à l'expansion et à la renommée de son village.
    Le chef d'un"kibelo", c'est-à-dire d'un quartier résidentiel doit aussi comme l'est le M'fumu n'gâta le garant de la paix. Ce mot est un dérivé du verbe Bela qui, qui en l'espèce traduit le principe social du "vivre ensemble". Le "Kibelo" ou le "n'gata" est, peut-on dire, l'affirmation du contrat social par des hommes et des femmes qui s'engagent à vivre en bonne intelligence, par l'organisation et le fonctionnement paisible de l'espace environnemental qu'ils occupent. Ainsi le n'gâta ou kibelo apparaît  comme un pacte social né du besoin ou de la nécessité de s'associer ou Bundana (de di bundu) dans le but de mieux régler à l'échelle collective les divers problèmes de l'existence qui se posent à l'être ou au Muuntu. C'est dans cette optique que dans le Koôngo-dya-Ntotela ou le Congo ancien la vie en groupe n'est possible et effective que si l'on y consacre le verbe intelligible, celui qui concoure au respect et à la paix des relations humaines.
  Chaque roi doit, écrit G.W.L. Randles, imiter le geste du héros-fondateur et remodeler le monde selon l'exemple inventé par celui-ci... Il appartient à chaque roi de l'imposer de nouveau et de l'assurer pendant la durée de sa vie contre les forces du mal qui le menacent sans cesse...durant sa vie le roi doit représenter la force et la vitalité. Il doit être à la fois un "dieu" et un "homme", non pas un homme ordinaire. Mais un homme d'une perfection exemplaire sur le plan moral, physique et sexuel.(Randles P.29".
   Cet éloquent exposé de mon éminent Koongologue, maître Rudy Mbemba-Dya-Bô-Benazo Mbanzulu, contenu aux pages 146-148 de son dernier ouvrage hommage au Vénérable Cardinal Emile Biayenda, nous emmène à nous poser la question de savoir si la meute des gourous que suivent beaucoup de nos compatriotes refléteraient-elle cette vision du pouvoir, tel qu'établi par nos ancêtres du Koongo dia Ntotela dont ils clament, proclament et se réclament être partisans ? L'évidence nous prouve plutôt le contraire et les signes de l'usurpation de leur pouvoir ne reposant  que sur la manipulation de l'ignorance du peuple, l'enrichissement personnel et le mépris de la personne humaine, surtout cette jeunesse tant instrumentalisée, sacrifiée et abusée...
   Les usurpateurs du pouvoir
Ces gens qui prétendent être leaders des koongo se reconnaîtraient-ils dans cette posture de Mpfumu qui ne saurait mettre que sa progéniture à l'abri du besoin, envoyant sa famille à l'étranger profiter du labeur et de la souffrance des autres ? Ces gens qui se calfeutrent chez eux, alors qu'ils ont appelé les enfants des autres à prendre la rue pour aller manifester contre le pouvoir répressif en place, se faisant pulvériser par des bombes lacrymogènes par des hélicoptères, comme s'il s'agissait de mener une opération de salubrité publique qui consisterait à éradiquer les moustiques: de Massina à Mpissa, de Moukounzi Ngouaka à Matour ? Ces gens qui ont fait du pouvoir politique leur fond de commerce qui ennobli les leurs et ne fait qu'accroître la pauvreté et exacerber la misère de leurs fanatiques. Ces gens qui prétendent être choisis des ancêtres dont ils méprisent les Ntsieno mia ba mbuta, , ntsieno mia Nza, Ntsieno mia luyalu, contribuant ainsi à la déliquescence de plusieurs générations ne méritent même pas un titre quelconque sur l'échelle graduelle du Kimpfumu...
  Depuis des années, ils ne cessent de réduire à zéro les efforts de ceux qui essaient de construire leur vie à la sueur de leur front (mu kia futu kia bisalu biawu), amplifiant les pillages qui sont devenus une espèce de culture politique, pour réprimer toutes les personnes qui s'opposent à leurs idées farfelues. Pendant qu'ils vous envoûtent de leur mysticisme, eux capitalisent de la fortune à l'étranger et ne s'offusquent point d’exhiber l'opulence de leurs biens douteusement acquis. Ces saigneurs qui s'abreuvent du sang des innocents. Auraient-ils un peu de scrupule, pour partager leur dignité à part égale avec ceux qui sont devenus comme des mouches qui entourent leur puanteur nauséabonde. Ils manipulent les insignes du pouvoir comme les bâtons de Ntela, mukawa, ignorant même que ces symboles ne doivent être utilisés que par ceux dont la capacité d'écoute réciproque est acquis, ceux dont le commerce interhumains est équitable (Ntéla = ta na wa ! de même que le Mukawa)...
   Faisant dans le syncrétisme, confondant le bâton de Moïse à celui des Mpfumu za Koongo, pour leur donner autorité et les aider à savoir prendre du recul dans l'écoute de ceux qui leur confient le pouvoir, ils font plus office de charlatans que de dociles serviteurs de l'autorité que les dieux, les bakulu et le peuple leur confient.

   Le pouvoir chez les Koongo s'exerce dans l'humilité, le service et l'attention à tous et à chacun. Géré autrement, ce pouvoir n'est ni démocratique (moderne) ni à la manière traditionnelle, ce n'est que du spectacle pour amuser la galerie, avec des chants fétichistes et des mimes envoûtants, un feu de paille... les Mpfumu za Koongo vivaient en symbiose avec leurs populations dont ils partageaient le quotidien. "Le Mpfumu Mpu a , selon Emile Biayenda charge d'administrer les biens de la famille... veiller sur la bonne santé physique et morale de son groupement dont il est protecteur. En cas d'épidémie ou de grand danger, il dispose du pouvoir de faire déplacer tout le village. Une fois sur la nouvelle terre, étrangère, il sera l'interlocuteur privilégié pour négocier la place de son groupe... on voit combien il faut être absolument sûr de pouvoir lui faire confiance, lui confier le destin et la vie de toute sa progéniture clanique sacré... le devoir d'hospitalité... l'assistance... aux plus démunis et aux plus âgés... en un mot, une vraie cohésion sociale. C'est le responsable de la paix à l'intérieur et à l'extérieur de la communauté. (cf.  Rudy Mbemba-Dya-Bô-Benazo Mbanzulu in "Le testament socio-institutionnel du Cardinal Emile Biayenda, le sacre du M'pfumu Mpu ou du chef à couvre -tête, éd. Les impliqués L’Harmattan, p.29).
  Le chef n'abandonne pas son peuple errer dans les savanes et les forêts, il ne livre pas les siens aux appétits des loups. Il ne saurait supporter qu'une seule goûte de sang puisse couler dans les rangs de son peuple, comme le fit le père de la nation Congolaise, monsieur l'abbé Fulbert Youlou qui préféra démissionner que de voir son pays s'embraser, tout comme le Cardinal Biayenda, qui préféra s'offrir que de voir le pays sombrer dans des violences aveugles. Les vrais chefs Koongo accomplissent le dessein des dieux et des ancêtres: Laisser vivre le peuple en paix et que chacun parviennent à l'accomplissement de son destin. Kimpfumu kie ntsiana ngudi na mwana: Tolo tua mwana kue ngudi tuena, tolo tua ngudi kue mwana tuena. Tala ti mwana ka diidi ako, pele ko ti mwana ntsatu ye nandi, pelo ko kimbevo; ngana maama bue ka lenda buila tolo hein ? La relation mère-enfant, sans être fusionnelle traduirait mieux l'exercice du pouvoir: C'est la quiétude et la sérénité de l'enfant qui permet à sa mère de s'endormir en paix, de même qu'un enfant ne saurait dormir sereinement que si sa maman est en paix. Une bonne maman, ne saurait dormir tranquillement lorsque son enfant n'a pas mangé ou si ce dernier est malade ! Kimpfumu = Ngudi na mwana. Kimpfumu kia mana yayana, yeeka ni ntsatu ya fua ngudi na mwana !
  Encore Merci à l'éminent Koongologue , maître Rudy Mbemba, pour ses travaux et la qualité de sa recherche, afin de nous ramener aux sources de "Bukoongo bueto".  THAUKO.COM à votre service !

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